Dans les paroles de Nada Abdelkader: « En tant que jeune femme chercheuse, les difficultés n’ont pas manqué : il faut sans cesse prouver sa place... »
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Nada Abdelkader, originaire de Kébili, a marqué un tournant dans l’histoire scientifique tunisienne en devenant la première chercheuse du pays à embarquer à bord de l’OceanXplorer, le navire d’exploration marine le plus avancé au monde. Doctorante en biologie spécialisée en écologie marine à la Faculté des Sciences de Tunis et plongeuse professionnelle, elle a été sélectionnée pour participer à une prestigieuse expédition scientifique dans l’océan Atlantique, entre les côtes de la Namibie et les îles du Cap-Vert.
« Depuis mon enfance, j’ai été fascinée par la beauté et la diversité de la nature, en particulier dans le paysage unique du sud de la Tunisie, où le désert rencontre l’oasis. Ma passion pour l’écologie est née de l’observation des relations complexes entre les différentes espèces, vivant en harmonie avec les palmiers et les autres éléments de cet écosystème. Grandir entre désert et oasis m’a permis de développer une profonde appréciation pour le monde naturel. Petite, je rêvais de voir la mer, ce monde bleu que je ne connaissais qu’à travers les livres et les documentaires. Aujourd’hui, je suis biologiste marine. J’ai appris à plonger, à observer les herbiers de posidonie et même à restaurer ces écosystèmes essentiels. Ma thèse est la première en Tunisie à être consacrée à la restauration des herbiers de Posidonia oceanica. En tant que jeune femme chercheuse, les défis sont nombreux : il faut constamment prouver sa place, composer avec des moyens limités, faire face à une certaine résistance au changement et jongler entre les exigences scientifiques et les réalités du terrain. L’un des moments les plus marquants de mon parcours a été ma participation à une expédition scientifique avec OceanX, dans l’océan Atlantique, pendant 20 jours, entre la Namibie et le Cap-Vert, à bord de l’OceanXplorer, le navire le plus avancé au monde en matière d’exploration, de science et de production médiatique. Moi, jeune femme originaire du sud de la Tunisie, en mission en pleine mer, entourée de chercheurs venus des quatre coins du globe. Cette mission, intitulée Around Africa Mission, a été organisée par OceanX et OceanQuest, en partenariat avec POGO, dans le cadre du programme pour les professionnels en début de carrière (Early Career Ocean Professionals - ECOPs). C’était irréel — et pourtant, j’y étais. Avec mes idées, mes compétences, ma passion. Être la première Tunisienne à participer à une telle mission a été à la fois un immense honneur et une grande responsabilité. Je savais que ma présence à bord portait aussi les rêves d’autres jeunes filles tunisiennes. Je voulais leur dire, sans mots mais avec des actes : “Oui, c’est possible.” Participer à cette mission ne représentait pas seulement une avancée dans ma carrière. C’était aussi une ouverture pour d’autres femmes scientifiques de mon pays, dans un domaine encore peu exploré. Ce rôle m’a poussée à donner le meilleur de moi-même, consciente que mes actions pouvaient inspirer et ouvrir la voie à d’autres jeunes chercheurs tunisiens. Durant cette expédition, j’ai énormément appris sur moi-même. J’ai repoussé mes limites, collaboré avec des chercheurs internationaux issus de divers horizons, et affronté l’inconnu avec résilience. Tout au long de mon parcours, chaque prélèvement, chaque plongée dans les profondeurs m’a rappelé l’importance de notre rôle dans la préservation de ces écosystèmes fragiles. Cette aventure m’a révélé la force intérieure que nous portons toutes en nous. Lorsqu’on est une fille dans les sciences ou les technologies, il faut souvent travailler deux fois plus pour se faire entendre. Mais chaque obstacle franchi nous rend plus fortes, plus déterminées. Le croisement entre la science, la technologie et la communication scientifique est essentiel. Cette expérience m’a convaincue de l’importance de sortir des sentiers battus et d’adopter de nouvelles façons de diffuser et d’intégrer la recherche dans notre société. Cette expédition m’a profondément marquée. Elle m’a donné l’élan nécessaire pour poursuivre mon engagement dans la recherche et la conservation marine, avec encore plus de détermination. À toutes les jeunes filles tunisiennes qui rêvent d’explorer, de créer, d’innover, je veux dire : votre curiosité est une force. Votre passion peut changer le monde. Et même si le chemin est parfois semé d’embûches, il en vaut la peine. Je suis la preuve vivante que les rêves nés dans une oasis peuvent mener jusqu’au cœur de l’océan...Si je devais dire une chose à la petite fille de 10 ans que j’étais : “Continue de rêver grand. Continue de croire en toi. Un jour, tu verras la mer — et bien plus encore.”